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Mais où va le syndicalisme français ?

Depuis plusieurs années, les décisions et les orientations des principales centrales syndicales françaises laissent bon nombre de salariés sceptiques et insatisfaits. L’accord signé entre le patronat et quatre syndicats sur cinq (CFDT, CFTC, FO, CGC, à l’exception de la CGT), début janvier, sur la réforme du marché du travail confirme, s’il en était besoin, la crise du syndicalisme français, tant au niveau de ses forces militantes, que de sa capacité à résister aux sirènes du discours libéral.
Comment interpréter, par exemple, l’attitude des organisations syndicales qui, ces derniers mois, ont semblé « tétanisé » face aux orientations politiques du gouvernement, quand nombre de dossiers auraient nécessité une mobilisation plus forte et plus originale dans les formes comme dans le contenu :
 démantèlement des régimes dits « spéciaux » de retraite
 baisse, sans précédent, des effectifs de la fonction publique
 réforme du marché du travail et toilettage annoncé du code du travail

Le diagnostic ne date pas d’aujourd’hui. Nous connaissons les principales lacunes du syndicalisme français : le faible taux de syndicalisation (notamment dans le secteur privé et les petites entreprises), son émiettement, sa difficulté à représenter de larges pans du salariat actuel (travailleurs précaires ou clandestins, chômeurs…). Sans doute trop conscientes de leurs propres faiblesses, les grandes centrales syndicales ont accepté, sans coup férir, l’agenda dicté par les organisations patronales et le gouvernement.
Pour n’évoquer que le dernier dossier en cours, quelle nécessité y avait-il à parapher un accord sur la réforme du marché du travail comportant de graves reculs pour les salariés et les chômeurs ? Un accord instaurant l’allongement de la période d’essai ? Validant la mise en place du licenciement personnel négocié ou la création du CDD de mission pour les ingénieurs et pour les cadres ? Réduisant les possibilités de recours et de saisie des prudhommes ?
« En parvenant à un accord le mois dernier sur la réforme du marché du travail, les partenaires sociaux ont permis à N.Sarkozy et à son gouvernement d’enregistrer un vrai succès » (Alternatives Economiques, février 2008).
La belle affaire !
Certains ont évoqué, calquée sur le modèle danois, les prémices d’une flexisécurité à la française. Or si l’on mesure bien, dans cet accord, les avancées en matière de flexibilité (allongement de la période d’essai, rupture conventionnelle ou pour inaptitude d’origine non professionnelle), les garanties permettant de sécuriser le parcours professionnel des salariés sont restées à l’état d’ébauche et pour l’essentiel reportées à des négociations ultérieures ( des négociations seront ouvertes par les branches professionnelles pour permettre aux salariés à temps partiel de développer leurs compétences ; concernant la mobilité géographique, des mesures d’accompagnement seront recherchées ; des moyens spécifiques seront mis en place pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi…etc..) .
Dès lors l’acceptation d’un tel accord, au contenu si peu contraignant pour les entreprises, par des organisations syndicales censées défendre l’intérêt des salariés, reste incompréhensible si l’on s’en tient au seul contenu de l’accord.
En effet, « Le plus important dans cet accord, a-t-on pu lire, est donc d’être parvenu à un accord. Apportant la preuve que les partenaires sociaux français, désormais plus matures, sont désormais capables d’élaborer des compromis gagnant-gagnant ». Mais à quoi mesure-t-on un compromis « gagnant-gagnant » ? A la satisfaction des organisations signataires comme à celle du gouvernement ? Aux références plus que schématiques à un modèle nordique (la flexisécurité agitée comme un gri-gri) censé concilier flexibilité, plein emploi et sécurité ?

Bien entendu, les organisations syndicales ne sauraient être tenues pour les seules responsables de la situation actuelle. La crise du politique et la crise de la gauche touchent de plein fouet le combat syndical. Les évolutions programmatiques du PS et de la gauche de gouvernement vont dans le même sens : opposition entre les Anciens et les Modernes, entre les conservateurs et les réformistes, entre les adeptes de la rupture et les partisans du consensus... le tout dans une grande confusion « idéologique ».
On ne peut attendre, dans ces conditions, des organisations syndicales une aptitude à rechercher des formes nouvelles de lutte quand les seuls enjeux se limitent, pour certaines, à démontrer leur capacité à trouver un accord gagnant-perdant.

Alain Coulombel
 

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