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Les méandres de la future Fédération
La campagne des Européennes n’a pas fini de nous renvoyer en miroir nos propres tergiversations. Comment analyser cette difficile recomposition de la gauche de la gauche où les contradictions internes n’épargnent ni les partis ni les individus ? Si les positionnements idéologiques étaient clairement répartis entre les frontières que constituent les organisations politiques, le rassemblement serait beaucoup plus simple car il est toujours possible d’assembler des morceaux homogènes.Et si chacun d’entre nous n’était pas traversé par des pensées sans ambivalences, nous n’en serions pas à nous torturer l’esprit et nous chamailler sur le net comme si ces échanges d’invectives parfois acerbes pouvaient provisoirement soulager nos déboires émotionnels provoqués par nos propres interrogations et hésitations. On parle d’autre part de ruptures à l’intérieur des partis, et pourtant les morceaux tiennent encore ensemble, comme l’ont révélé les récents congrès du PC et des Verts. C’est bien qu’une liaison fragilisée mais encore tenace empêche la dislocation : le Communisme pour les uns et l’Ecologie pour les autres ? Ce qui rapproche les minoritaires du PC et des Verts n’est pas tant une référence commune forte, qu’une volonté d’ouvrir leurs forces politiques et de lutter contre le repli sur soi.

Ce qui nous amène à une difficulté supplémentaire que j’appellerai la question de l’intériorité/extériorité. Afin de trouver cette ouverture, ces minorités investissent dans des espaces externes à leurs partis où ils recherchent l’adhésion de militants sans attaches partidaires. Ainsi se créent et se recréent récemment des espaces où se côtoient des pendants de forces existantes et des individus isolés. Cette cohabitation n’est pas sans poser problème dans la mesure où les forces minoritaires se servent aussi de cette extériorité pour peser à l’intérieur de leurs propres organisations. On peut considérer que la Fédération s’inscrit dans cette logique. Au-delà de la nécessité d’utiliser cet espace pour renforcer leurs existences dans leurs appareils respectifs, on peut espérer cependant que la volonté de recréer de nouvelles synergies est aussi une des raisons de ce nouvel assemblage.

La difficulté du rassemblement à gauche réside également à trouver les espaces électoraux où il puisse libérer ses énergies. La rigidité imposée par les règles électorales constitue un véritable obstacle à cette recomposition du panorama politique : contraintes imposées par le financement des campagnes électoraleset contraintes imposées par la nécessité d’être visibles et lisibles par les électeurs pour prétendre gagner leurs confiances. Autant il est facile de se réunir dans des espaces politiques aux contours mouvants, autant il est difficile de se frayer des chemins dans un panorama électoral bien établi depuis des années. C’est le choc entre la souplesse et la mouvance des espaces politiques qui se font et se défont, et la difficulté à bousculer aussi facilement le champ électoral, qui crée, à chaque élection, les conflits souvent destructeurs de cette recomposition politique.

Pour les écologistes le dilemme est encore plus fort dans la mesure où la question écologique a fortement penché ces dernières années vers des politiques d’accompagnement du capitalisme. Si pour les tenants de la régulation, il suffit pour sortir des crises actuelles, de sortir du capitalisme financier, il faut sortir du capitalisme tout court pour les autres. Pourtant tous ont en commun la prise de conscience qu’il y a une urgence planétaire et qu’il faudra bien faire décroitre nos consommations d’énergie face à la finitude des ressources imposée par la nature. Cette prise de conscience n’apparait pas centrale ni partagée avec autant de convictions parmi les autres forces antilibérales. Et puis il y a cette question de libéralisme politique que j’appellerais plus volontiers l’autodétermination des individus et cette exigence envers les pouvoirs publics qu’ils assurent aux individus la possibilité de peser eux-mêmes sur leurs propres existences. La nécessité non pas seulement de se réapproprier les moyens de production mais aussi la finalité des productions et de décider de ce qui est nécessaire et superflu, sans avoir à subir le diktat des multinationales ou de politiques publiques élaborées par une poignée de technocrates. C’est cette exigence de double émancipation publique et privée, qui est aussi au coeur des préoccupations écologiques. Comme l’est celle qui consiste à penser que si les droits sont universels, leurs applications doivent tenir compte d’un minimum de particularismes, sinon il n’y aura jamais d’égalités, autres que celles inscrites sur les murs des frontons. Et je conclurai par cette belle phrase que j’emprunte à Edgar Morin : « Il nous faut non plus opposer l’universel aux patries mais lier concentriquement nos patries familiales, régionales, nationales, européennes et les intégrer dans l’univers concret de la patrie terrienne ». Unir universalisme et territorialité c’est peut-être le défi principal qu’il nous reste à résoudre pour nous rassembler et préserver sur terre la biodiversité et la diversité culturelle.

Martine Alcorta
 

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