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Gauche-droite : un clivage dépassé ?
Les Verts ont souvent affirmé que le clivage droite gauche était obsolète et que le clivage principal se situait entre productivistes et anti productivistes. Or, autant le dernier évolue vite notamment sous les coups de boutoir de la crise écologique, autant le premier me semble rester pertinent à condition de le revisiter au regard de l’évolution en cours des forces politiques. En effet, la droite est bien existante en France et même florissante dans sa version Sarkoziste, mélange de bonapartisme politique et de libéralisme économique. Dans ces conditions, il y a besoin d’une gauche digne de ce nom qui propose une alternative politique. C’est malheureusement ce qui manque rendant ainsi floues les délimitations politiques et idéologiques. Cela renforce la droite la plus dure et nous mène sur une pente dangereuse.

De même que le réchauffement climatique est beaucoup plus rapide que prévu, le délitement du PS semble l’être aussi. Si Martine Aubry a réussi à redonner un semblant d’unité au PS pour la campagne européenne, c’est au prix d’un immobilisme et d’un repli sur le seul noyau électoral socialiste. Il est d’ailleurs à remarquer que cette fois-ci, le PS a refuser de partager un gâteau en réduction que ce soit avec le PRG ou avec le MRC. Ce repli ouvre donc un espace à d’autres forces politiques. La faiblesse du score socialiste n’est pas la conséquence d’un éparpillement des forces politiques à gauche car il n’y a pas plus de listes présentées par les partis de gauche que les autres fois. Le rejet de Sarkozy ne permet pas à la droite de conquérir cet espace, puisque droite et extrême droite sont conjointement données sous les 40%, ce qui montre la faiblesse de l’UMP, même s’il est possible qu’elle arrive en tête le 7 juin.

La grande leçon de ce scrutin risque d’être le manque d’alternative crédible à gauche allié à un fort taux d’abstention principalement dans l’électorat de gauche. Le NPA, figure de proue protestataire, ne peut récupérer un électorat qui a voté contre le TCE mais qui est justement l’électorat le plus porté vers l’abstention. De la même façon pour le PS, sa cogestion de l’Europe avec le PPE ne lui permet pas de mener une campagne électorale de rupture qui soit crédible. Globalement, le rejet du traité de Lisbonne ne peut suffire à convaincre des électeurs de se rendre aux urnes alors qu’ils ont l’impression de s’être fait avoir avec l’adoption de ce traité par le Parlement français après le rejet du TCE lors du référendum.

Un espace s’est donc ouvert au centre que deux forces politiques se disputent : le Modem et Europe Ecologie. La mainmise de Dany Cohn-Bendit sur la campagne des européennes conduit au résultat redouté : le recentrage des Verts. Dany l’assume totalement, c’est la ligne politique qu’il défend depuis très longtemps et agit en conséquence. Ceci l’a amené à indiquer que puisque la gauche ne risque pas de revenir de si tôt au pouvoir en France et en Italie, les Verts doivent regarder aussi ailleurs (sous-entendu pour des alliances de gouvernement). Si tous les Verts ne sont pas prêts à cautionner ce choix, la tentation vers le centre augmente de jour en jour, confortée par les sondages indiquant un électorat hésitant de plus en plus entre Modem et Verts au détriment du choix précédent entre Verts et PS. Est-ce étonnant lorsqu’on connaît la composition sociale des Verts ? Les Verts s’adressent d’ailleurs très peu au monde du travail, mais principalement aux couches moyennes supérieures et aux exclus. Où sont les adhérents des milieux populaires ? Dans ces conditions pourquoi les milieux populaires seraient-ils tentés par un vote Vert ?

Et c’est bien le problème : les couches moyennes dans leur ensemble regorgent d’offres politiques en leur direction : PS, Modem et Verts qui se battent pour des « parts de marché ». Mais ces forces politiques n’essaient pas de reconstruire une offre politique tenant compte de l’ensemble des urgences, économiques, sociales, démocratiques, et écologiques et disposée à se battre dans les luttes et dans les institutions, en s’adressant aux couches populaires, à ceux qui bossent et gagnent entre 1 SMIC et 1,4 SMIC. Europe Ecologie se vante de proposer un salaire mensuel maximum pour les patrons fixé à 40 fois le SMIC (52 840 euros) ! Comment cela pourrait-il parler à des gens qui ne gagnent même pas cette somme dans toute l’année, même en CDI à temps plein ?

Mais si Europe Ecologie peut faire un score honorable aux européennes, score d’autant plus élevé que l’abstention le sera aussi, cela signifie-t-il une nouvelle croissance des Verts ? Il ne faut pas oublier que le scrutin européen est traditionnellement un scrutin plus favorable aux Verts. Enfin, dans la course au centre avec le Modem, les Verts partent perdants car le Modem a un avantage sur eux, une machine politique toute entière dévouée à un seul objectif : faire élire Bayrou Président de la République en 2012. Or dans le système de la 5ème république toute entier structuré autour de cette échéance, c’est un atout indéniable que n’ont pas les Verts. Ensuite passée les européennes, les tensions internes des Verts sur le positionnement politique reprendront comme l’annonce déjà le choix fait à Perpignan de partir sur une liste avec le Modem ou les déclarations de François de Rugy à Mediapart dans les perspectives des régionales. Il est à craindre qu’une fois le premier pas accepté, comme à Perpignan, de plus en plus d’élus se résigneront à des alliances de premier tour avec le Modem si c’est le chemin à parcourir pour garder des élus Verts. Les justifications ne manqueront pas, le PS qui ne comprend toujours rien à l’écologie, les urgences écologistes auxquelles il faut apporter des réponses etc., toutes choses justes par ailleurs. Mais à ne plus avoir de projet plus ambitieux, à raisonner à court terme pour avoir des élus coûte que coûte, les Verts participent ainsi de la décomposition de l’espoir d’une alternative à gauche aux politiques de droites dures actuellement menées.

La situation française s’apparente quelque peu à ce qui s’est passé avec Romano Prodi en Italie. La sous-estimation de Berlusconi et la rupture avec l’électorat populaire a entraîné le désastre actuel. Souvenez-vous, qui aurait pu croire à la réélection de Berlusconi et pourtant il a massivement été réélu, il a unifié la droite derrière lui, il n’existe plus de gauche italienne digne de ce nom, ce qui lui ouvre la voie à tous les excès comme l’autorisation pour les milices de patrouiller dans les rues des villes italiennes. En France, il serait temps de réagir avant d’en arriver là et de se demander à quel moment nous nous sommes trompé et comment.

Même si Bayrou gagnait la présidentielle de 2012, nous aurions remplacé le Parti socialiste par un parti démocrate. Certes il serait peut-être plus sensible à l’environnement que le PS, mais de là à remettre en cause le système ! Or l’urgence climatique et plus largement l’urgence écologique a besoin de beaucoup plus que d’une dose d’environnement. Qui peut croire que le Modem mettra en place les politiques antilibérales nécessaires ? Qui peut croire que le Modem est prêt à s’engager dans une politique de décroissance en faveur du développement ? Nous aurons donc lâché la proie pour l’ombre avec la décomposition politique en plus à gauche et une droite toujours mobilisée et à l’affût.
Pour le moment, nous en sommes à la tentation Prodi-Bayrou, n’oublions pas ce qui vient après ! Refuser les sirènes mourantes du PS ne doit pas signifier se jeter dans les bras sans plus d’avenir du Modem. Puisque depuis longtemps, le PS ne porte plus l’espoir d’une gauche progressiste, alors à nous de relever le défi et de construire une alternative de gauche sociale, écologiste et féministe qui prenne le relais.

Martine Billard
 

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