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Bilan des élections européennes 2009
Au niveau européen

La première leçon que l’on peut tirer est le glissement encore plus à droite du parlement européen avec ce que cela peut signifier de poursuite de dérégulation économique et sociale. Lorsqu’une crise est profonde, le réflexe des couches sociales les plus frappées n’est pas le vote protestataire mais l’abstention massive faute de perspectives politiques alternatives aux politiques menées depuis des années. Pourquoi aller voter puisque cela ne changera rien. Dans ce cadre la social démocratie ayant cautionné toutes les politiques libérales menées en Europe est particulièrement déconsidérée et ne pouvait absolument pas représenter une alternative possible. De plus les tentatives de rénovation de la social-démocratie européenne se sont surtout opérées par acceptation du libéralisme à l’instar du blairisme porté aux nues pendant des années avant que la crise financière n’éclate. Aujourd’hui, la social démocratie se retrouve prise totalement à contre-pied d’autant que la droite n’hésite pas, lorsque cela permet de sauver les intérêts du capitalisme, de prôner l’intervention de l’état comme pour le sauvetage des banques ou de quelques entreprises et même de faire appel au nationalisme économique. Cette déroute de la social-démocratie s’accompagne dans certains pays d’une nouvelle poussée de la xénophobie qu’on aurait tord de sous-estimer dans une période de crise sociale.

Cela n’empêche pas l’ensemble des forces de droite de vouloir faire payer la crise aux couches populaires en poursuivant le laissez-faire face aux politiques industrielles de délocalisation et en profitant de la crise pour réduire un peu plus les protections sociales.

Parallèlement, en dehors des exceptions française, danoise et portugaise on assiste à un tassement (Allemagne) voire un recul selon les pays des forces à gauche de la social-démocratie, souvent au profit des Verts (Finlande, Grèce, Suède), et à une poussée des Verts dans plusieurs pays. Le groupe Verts au Parlement européen passe de 43 élus à 54 soit 11 de plus dont 8 élus rien que pour la France. Parmi les pays où une poussée verte peut être constatée, on compte la partie francophone de la Belgique où Ecolo atteint 23,09%, (mais cette poussée ne se retrouve pas dans le reste de la Belgique), le Luxembourg (16,84%), la Finlande (12,4%), la Suède (10,9%), les Pays-Bas (8,8%), le Royaume-Uni (8,7%) et la Grèce (3,49%).En Allemagne, les Gruenen restent stables, en Italie les Verts disparaissent ainsi qu’à Malte. En résumé les Verts progressent dans 7 pays sur 27, disparaissent dans 2 et sont totalement absents de 15 pays, dont notamment tous les anciens pays de l’est.



En France

La première leçon qu’on a tendance à vite oublier, c’est le taux d’abstention (59,35 %) et tout particulièrement dans les quartiers populaires où il peut atteindre pratiquement 80%. Dans ces conditions, les résultats sont forcément à prendre avec prudence lorsqu’il s’agit d’en tirer des conclusions pour de futures échéances électorales.

Le deuxième point concerne le score de la droite. Alors que le total des voix de gauche + Europe Ecologie leur est supérieur, le fait que l’UMP arrive en tête lui confère paradoxalement le statut de vainqueur. L’effondrement du PS, principal parti d’opposition, la disparité du reste des forces anti-sarkozy (y compris Modem) laisse l’opposition morcelée et donc avec des perspectives de succès amoindries à la grande joie de Sarkozy qui va ainsi pouvoir continuer ses politiques de casse sociale et d’atteinte aux libertés. Déjà il a annoncé la poursuite de ses politiques et l’inscription à l’ordre du jour du parlement de texte qui avait disparu dans les profondeurs des navettes comme celui sur la mobilité des fonctionnaires qui visent justement à casser leur statut. De même entre les annonces passées quelque peu inaperçues de Sarkozy devant le congrès de la Mutualité et la nouvelle attaque sur les congés maladies longue durée, on peut s’attendre à ce que le prochain budget de l’assurance maladie se fasse sur le dos des assurés sociaux et des malades.

Alors que nous vivons une grave crise économique et sociale, il est démontré que l’antisarkozisme ne suffit pas à faire une politique et à donner envie d’aller voter. Cette démonstration avait déjà été faite en Italie, où l’anti berlusconisme a été battu à plusieurs reprises. Il serait temps d’en tirer des leçons

En effet ce sont surtout les CSP+ qui sont allés voter. Les électeurs les plus sensibles au rejet social du sarkozisme ont préféré l’abstention faute de trouver une offre politique faisant résonance à leur rejet des politiques en cours.
Le NPA, figure de proue protestataire, n’a pu récupérer un électorat qui a voté contre le TCE mais qui est justement le plus porté vers l’abstention. De la même façon pour le PS, sa cogestion de l’Europe avec le PPE ne lui a pas permis de mener une campagne électorale de rupture qui soit crédible. Globalement, le rejet du traité de Lisbonne ne pouvait suffire à convaincre des électeurs de se rendre aux urnes alors qu’ils ont l’impression de s’être fait avoir avec l’adoption de ce traité par le Parlement français après le rejet du TCE lors du référendum.

La troisième leçon c’est évidemment le vote écologiste que ce soit pour la liste Europe Ecologie (16,28 %) ou pour la liste « Alliance écologiste indépendante » d’Antoine Waechter ( 3,6%). Cela démontre que dans une élection où les repères sont flous et où il est possible de se lâcher, le vote écolo dans le contexte de crise écologique actuel apparaît comme le seul porteur de projet.

La quatrième et dernière leçon c’est évidemment l’effondrement socialiste qui venant après plusieurs autres alertes (2002, 2007) montre que la crise du Parti socialiste est profonde. A aucun moment sa campagne n’a montré un projet politique clair pour l’Europe. Son électorat le plus aligné sur Ségolène Royal a préféré voté EE que PS, ce qui n’est pas étonnant compte tenu des couches sociales qui ont le plus voté. De plus en plus, la moitié de l’électorat traditionnellement socialiste est susceptible d’effectuer un autre choix selon le type d’élection.

Quid de la suite ?

Si le vote écologiste est un très bon signal dont il faut se féliciter, au point qu’à l’annonce des résultats tout le monde redécouvrait l’écologie, le score d’EE n’en garantit pas la durée. En effet, chaque élection est spécifique et de nombreuses fois il a été démontré, dans un sens et dans l’autre d’ailleurs, qu’un bon ou mauvais score aux européennes, n’avait pas forcément de signification pour la suite. De plus les Verts sont en quelque sorte débordés par ce score. Les précédents d’élargissement d’autres partis politiques (Désirs d’Avenir, NPA), avec les moments d’euphorie puis de retombées sur terre, ont de quoi rendre prudents. Les volontés d’élargissement vont aussi se heurter à une réalité très prosaïque : le faible nombre de militants et de cadres politiques, la réalité d’un parti électoraliste qui repose beaucoup sur son réseau d’élus régionaux. Dans ses condition, le succès va aiguiser les appétits, l’élargissement signifiant faire de la place à des non verts dans un contexte où il n’est pas certain que la droite ne reprenne pas quelques régions et par là même réduise le nombre de conseillers régionaux écologistes éligibles. Paradoxalement, un succès peut être aussi difficile à gérer qu’une stagnation.
Sur le fonds, si le Modem sort très affaibli de ces élections, et si le centrisme-Bayrou est remplacé par le centrisme-Cohn Bendit, le Modem n’est pas totalement écartée du jeu des alliances que certains Verts sont prêts à envisager.

Si EE est le rassemblement qui a eu le plus de succès, le score du Front de Gauche n’est pas inintéressant avec une progression en métropole de 158 000 voix par rapport au score du PC de 2004. On peut dire sans peine qu’il est fort peu vraisemblable que le PC seul aurait réussi un tel score. L’alliance ainsi réalisée entre trois composantes à gauche du PS (PC, Parti de Gauche, Gauche Unitaire) a indéniablement créé une dynamique qui a amené des électeurs du PS à se tourner vers cette alternative. La progression de 2 points dans le centre et le sud ouest, terre de gauche traditionnelle est significative de ce point de vue. Ses meilleurs scores sont dans les quartiers plus populaires ce qui en fait le seul rassemblement politique à gauche à représenter encore un espoir, certes minime face au taux d’abstention, dans ces quartiers.

En conclusion

Les Verts ont souvent affirmé que l’affrontement droite gauche était obsolète et que le clivage principal se situait aujourd’hui entre productivistes et anti productivistes. Or, autant le dernier clivage évolue vite notamment sous les coups de boutoir de la crise écologique, autant le premier me semble rester pertinent à condition de le revisiter au regard de l’évolution en cours des forces politiques. En effet, la droite est bien présente en France et même florissante dans sa version Sarkoziste, mélange de bonapartisme politique et de libéralisme économique. Dans ces conditions, il y a besoin d’une gauche digne de ce nom qui propose une alternative politique, une alternative sociale, démocratique et écologiste. C’est malheureusement ce qui manque rendant ainsi floues les délimitations politiques et idéologiques. Cela renforce la droite la plus dure et nous mène sur une pente dangereuse.

La situation française s’apparente quelque peu à ce qui s’est passé avec Romano Prodi en Italie. La sous-estimation de Berlusconi et la rupture avec l’électorat populaire a entraîné le désastre actuel. Souvenez-vous, qui aurait pu croire à la réélection de Berlusconi et pourtant il a massivement été réélu, il a unifié la droite derrière lui, il n’existe plus de gauche italienne digne de ce nom, ce qui lui ouvre la voie à tous les excès comme l’autorisation pour les milices de patrouiller dans les rues des villes italiennes. En France, il serait temps de réagir avant d’en arriver là et d’avoir à se demander à quel moment nous nous sommes trompé et comment.

Europe Ecologie ne répond pas à cette nécessité car ce rassemblement a pour principal objectif la gestion du capitalisme vert, le « new green deal ». Quand on écoute les interventions des leaders d’Europe Ecologie, très souvent ce n’est pas ce qui est dit qui pose problème, c’est ce qui manque : un monde où l’exploitation a disparu, où la recherche du profit maximum comme moteur de l’économie est souvent oublié ou uniquement décrié comme provoquant la dégradation de l’environnement et de la santé où la lutte de classes est rejeté et où la notion de classes elles-mêmes est rarement acceptée. C’est pourquoi le social est plus conçu comme mesure de rattrapage que comme une remise en cause en profondeur du système. Et si avec la crise la critique du capitalisme a retrouvé droit de cité, c’est plus comme critique de ses excès que de son existence même. L’utopie d’un monde différent, réintroduisant le concept même de limite, dans la production, les consommations, les échanges, les richesses, etc. est remplacée par la recherche du raisonnable. Mais la crise écologique est bien trop profonde pour continuer à avancer à petits pas. Son accélération va entraîner non seulement des désastres environnementaux mais des conflits violents pour l’accès à l’eau, à la terre, à la nourriture et dans ce contexte ce sont les couches populaires qui en seront les premières victimes et pas seulement « les plus défavorisés, les exclus ». Et pour maintenir le plus longtemps possible les profits, les systèmes politiques vont se durcir afin de réprimer toute tentative de rébellion contre les inégalités.

Dans ces conditions, continuer à faire régner le flou sur un choix de positionnement au centre ou à gauche est irresponsable. Il est indispensable d’affirmer clairement un projet qui offre une alternative à l’électorat de gauche en terme d’écologie de transformation sociale et non d’écologie d’accompagnement. Il n’y a pas de sortie au centre possible dans cette crise globale. Construire cette illusion revient à accepter le maintien du système.

Martine Billard
 

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