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Syndicalisme : poursuivons le débat !

L’article d’Alain Colombel (lettre Eco-Sol n°1) est un bon outil pour qui veut enrichir le débat sur l’avenir du syndicalisme en France. Comment en effet ne pas en partager les présupposés sur l’émiettement et le faible taux de syndicalisation, sur son inaptitude à représenter une part croissante du monde du travail, sur la propension contractuelle enfin que manifestent certaines organisations dans un contexte d’affaiblissement des droits et de « compromis asymétriques » ?
Toute cela ne fait, me semble-t-il, pas débat. Toutefois, analyser l’attitude récente du mouvement syndical face à certaines sujets revendicatifs récents ne peut se résumer à la nécessité de « mobilisations plus fortes et plus originales ». Il convient effectivement de tirer quelques leçons de ces mouvements, utiles face aux prochaines échéances, et également, comme courant politique, tracer quelques pistes visant, sans se substituer aux organisations concernées, à donner un contenu réel à ce que serait une démocratie sociale ».

Oui, à l’exception du mouvement contre le CPE en 2006, dont les rythmes et les formes ont été fournis par la jeunesse scolarisée, l’ensemble des mobilisations de la séquence qui s’est ouverte en 2003 avec la réforme Fillon des retraites, et qui se poursuit aujourd’hui en particulier sur le terrain du pouvoir d’achat, ont été confrontés à un déficit de stratégie dont le mouvement récent contre la réforme des régimes spéciaux est un nouvel exemple. Mais l’ensemble des organisations partie prenante du mouvement, y compris celles dotées d’un certain potentiel de radicalité, ont été confrontées à ce défi. On ne peut par exemple sous-entendre que le positionnement de SUD rail ait été exempt de ce constat, au motif de son intransigeance originelle. Les leçons de 2003 n’ont à l’évidence pas été tirées. Substituer un appel incantatoire à la grève générale à la recherche de compromis douteux se traduit par un mouvement de balancier entre organisations, qui plus est sur la base d’un constat d’échec dont chaque salarié des secteurs concernés est comptable. Dans ce cas, c’est l’ensemble du mouvement syndical qui en pâtit par de nouveaux désengagements, des abstentions électorales aux élections professionnelles et, au mieux, un turn over entre organisations. Que l’on ne s’y méprenne pas la principale organisation représentative des secteurs concernés, la CGT, est de plein pied dans cette difficulté (pointée, par exemple, avec pertinence par J.M. Pernot dans le préambule de son dernier ouvrage tirant les leçons de 2003) qu’a confirmé son acceptation de négociations sectorielles sur les régimes spéciaux.

D’ailleurs, les plus récentes mobilisations ont largement contribué à approfondir l’émiettement du mouvement syndical français. Contrairement à 1995, les leçons tirées des positions de la CFDT ont conduit beaucoup d’équipes syndicales à choisir, en fonction de contingences sectorielles ou locales, la porte de sortie la plus efficiente. Résultat : huit confédérations (ou proto-confédération s’agissant de la FSU) et un stand by total (voire de nouvelles difficultés liées aux champs de syndicalisation des uns et des autres) en matière de perspectives de rapprochement !

Il ne m’est pas possible dans le cadre limité de cet article, de développer les raisons pour lesquelles, à tout le moins, le syndicalisme français pourrait et devrait muter en trois « pôles de cohérence syndicale » permettant une clarification du paysage et l’ouverture enfin sérieuse du débat sur la représentativité !
Il n’est toutefois pas possible de passer ce débat sous silence. L’existence de critères antédiluviens de représentativité (1966 !), l’absence d’élections professionnelles « centralisées » au niveau de négociation pertinent (celui de la branche), la réforme urgente du mode de scrutin prd’hommal sont, parmi d’autres, des éléments dont le politique doit se saisir sauf à laisser la droite détourner à des fins dérégulatrices, les réformes nécessaires.
Dans ce contexte, les phénomènes décrits par Alain Colombel se poursuivent et s’aggravent. Sur des sujets aussi prégnants que la réforme du marché du travail, le temps de travail ou les traitements dans la fonction publique, l’accent est mis sur la « signature » d’organisations ultra minoritaires sans souci de leur représentativité réelle.

Chacun doit prendre ses responsabilités. Le mouvement syndical ne peut se satisfaire de la gestion de prés carrés et tout doit être mis en œuvre pour le dépassement de la balkanisation actuelle. Le concept de « syndicalisme rassemblé » mis en avant par la CGT pourrait être une façon d’aborder le problème à la condition que ce concept ne signifie pas à la fois l’unité d’action la plus large lorsqu’elle est possible (ce qui est souhaitable) et la définition de convergences plus affirmées (sur laquelle on est au point zéro).
Quant au politique et singulièrement aux forces de transformation sociales, elles ne peuvent plus différer leurs réponses concrètes en matière de contenu de la démocratie sociale, y compris avec le souci de se doter des outils suscitant les recompositions possibles. Pour faire bref, rompre avec les palinodies d’une certaine campagne présidentielle sur le « syndicalisme obligatoire » tout en ayant à l’esprit que l’objectif ne peut se résumer à la représentativité des SUD !
Ces premières pistes seront, souhaitons le, élargies, discutées et prolongées. Plus ce débat sortira des cercles politico-syndicaux et plus il s’adossera à des mouvements sociaux réels pluriels et innovants, mieux il se portera !

Patrick Serand
 

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