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Rebond : Déroute à l’italienne

Pour la troisième fois consécutive, la lettre d’Ecologie Solidaire apporte des contributions intéressantes. Je voudrais revenir sur l’article de Jean-Pierre Lemaire "Déroute à l’Italienne...". L’échec de la coalition Arc-En-Ciel pose à beaucoup d’entre nous des questions. Elle remet en cause de nombreuses certitudes établies au cours des dernières années. Alors que certains voulaient y voir un modèle de coalition transposable dans d’autres pays européens, nous sommes aujourd’hui confrontés aux limites de cette configuration.

Quelques remarques :

1. La situation n’est pas spécifique à l’Italie. Les dernières élections espagnoles ont marqué le recul clair de la coalition Izquierda Unida, héritière du PCE ayant réalisé sa mue en s’associant aux mouvements écolos, pacifistes, féministes, régionalistes à la fin des années 1980. Pour la première fois, elle ne maintient pas de groupe parlementaire avec seulement 2 élus. Certes le mode de scrutin est à blâmer (proportionnelle à la règle d’hondt sur de toutes petites circonscriptions - dynamique fortement majoritaire), mais elle n’est pas une variable explicative, celui-ci n’ayant pas changé depuis l’arrivée de la démocratie en 1978. On observe ainsi une forte bipolarisation, avec une décrédibilisation d’une possible voie alternative à gauche. L’effet vote utile apparraît déterminant dans un contexte de droitisation générale observée dans toute l’Europe. Mais même pour les déçus de la conversion libérale d’une partie de la gauche, les électeurs ne voient pas dans les coalitions alternatives d’utilité politique.

2. Les réflexions espagnoles à ce sujet sont particulièrements riches au sein d’IU. Bien que la coalition soit repartie dans d’infinies batailles internes renforçant le secteur historique du PCE qui cherche à retourner aux vieilles méthodes, un secteur préfère porter le débat sur la pertinence du projet. La gauche alternative en Europe n’a pas compris les métamorphoses du capitalisme, notamment l’évolution urbaine, les nouvelles conditions de travail et ne parvient pas à entrer en résonnance avec la société. Nous assistons donc peut-être plus qu’à la prédominance de la social-démocratie, à l’épuisement d’un certain type de discours et d’analyse, déconnecté de l’évolution rapide de la société (je pense que le même syndrome frappe Les Verts français et toutes les forces alternatives). Il s’agit donc de provoquer dès maintenant une nouvelle analyse sociale et d’apporter de nouvelles réponses pour une société qui bouge beaucoup plus vite que la classe politique et ses catégories d’analyse.

3. Il serait erroné de ne faire l’analyse de l’échec qu’à partir d’une posture stratégique. L’exemple de l’ArcoBelano est une posture au sein du gouvernement Prodi très différente de la participation gouvernementale des Verts à la majorité plurielle. Au contraire, les élus de Refondazione Comunista ou des Verdi n’ont cessés de maintenir un discours critique - participation aux manifestations. Les enquêtes de sortie d’urnes révelaient qu’ils avaient étés plus souvent sanctionnés pour leur discours trop critique qui avait fragilisé la coalition Prodi. Une partie de l’électorat - celui qui a voté utile - a accusé la gauche alternative de faire le jeu de la droite en ne jouant pas suffisamment la dynamique unitaire. Ne pas entendre cette aspiration à un front unitaire face à la vague réactionnaire de la part des électeurs de gauche, c’est prendre le risque de continuer à alimenter le vote utile.

4. La conclusion de JPL est particulièrement pessimiste. Je partage en partie ses inquiètudes, mais je continue de penser que la seule bonne nouvelle peut consister à l’épuisement d’un discours vieille gauche qui mue après mue ne parvient pas à se dépêtrer de repères idéologiques dépassés. La seule issue positive pourraît être que l’on assiste à un changement progressif de paradigme pour un nouveau projet d’émancipation. Ainsi le possible éclatement d’IU en Espagne pourraît être la voie permettant enfin l’émergence d’un véritable parti Vert (qui se contente aujourd’hui de faire de la figuration) en Espagne. A l’inverse d’un certain nombre d’analyses vertes, il ne faut pas alors marquer la distance avec cette mouvance, mais au contraire accompagner l’évolution de sa base sociale vers un nouveau projet. Cela exige aussi de reformuler les catégories employées par Les Verts comme par la gauche alternative.

Stéphane Sitbon-Gomez
 

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