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Retour de Bolivie
De retour d’un voyage du 25 septembre au 1er octobre, je faisais part de mes inquiétudes dans un article pour Politis.
Le vote du congrès le 21 octobre permettant de soumettre à référendum le projet de nouvelle constitution est une victoire indéniable d’Evo Morales, et ce après des mois de tensions y compris violentes et des semaines de négociation. En effet le MAS, parti du gouvernement, n’a pas la majorité des 2/3 requise pour toute modification de la constitution. Il y avait donc obligation de négocier et nécessité de diviser l’opposition. Il faut reconnaître que cela a été fait de main de maître même si certaines concessions ne sont pas anodines.

L’opposition, et surtout les grands propriétaires terriens, accusent ce texte d’être trop « indigéniste ». Quand on sait comment les peuples originaires ont été maintenus à l’écart du pouvoir (le scrutin universel ne date que de 1952), il n’est pas étonnant de voir la résistance de l’oligarchie principalement blanche.

Le gouvernement n’a donc pas cédé sur la reconnaissance des « peuples originaires » de Bolivie (36 peuples indiens) comme acteurs en tant que tels : leur droit à l’autonomie sur leurs terres traditionnelles est donc inscrits et une part "prioritaire" des revenus tirés des ressources naturelles du pays, essentiellement du gaz, doit leur revenir. Il n’a pas cédé non plus sur la participation et le contrôle social présent tout au long du texte, ainsi que sur un meilleur accès aux pouvoirs judiciaires et législatif avec élection des hauts magistrats.

L’article 1 de la nouvelle constitution sera donc : « La Bolivie se constitue en un Etat Unitaire Social de Droit Plurinational Communautaire, libre, indépendant, souverain, démocratique, interculturel, décentralisé et avec autonomies. La Bolivie se fonde sur la pluralité et le pluralisme politique, économique, juridique, culturel et linguistique, dans le cadre du processus intégrateur du pays ».

Le point dur sur la possession de terres donne lieu à un compromis momentané : il ne sera pas possible de constituer dorénavant des propriétés de plus de 5 000 hectares pour les productions végétales et 10 000 hectares pour l’élevage. Pour les propriétés existantes – certaines atteignent plus de 100 000 hectares - il faudra démontrer qu’elles respectent l’article 56 de la nouvelle constitution : la propriété doit « remplir une fonction sociale » et n’est garantie que « si l’utilisation qui en est fait n’est pas préjudiciable à l’intérêt collectif ». De belles batailles en perspectives !

L’accès de tous à l’éducation, la santé, le travail est garanti et le droit à l’accès à l’eau potable, aux égouts, à l’électricité, au gaz domestique, à la poste et aux télécommunications est constitutionnalisé.

Il faut aussi souligner la place donnée à l’environnement, avec un bloc constitutionnel très important autour de la préservation soutenable des ressources naturelles et de la biodiversité et le droit à un environnement sain pour les boliviens et les générations futures. La responsabilité environnementale est introduite ainsi que la consécration des études d’impact environnemental. A noter que le transit et l’enfouissement de déchets nucléaires ou toxiques sont interdits sur le territoire national.

La Bolivie sera dorénavant un état laïc mais le principe de l’enseignement religieux à l’école fait partie du compromis. Le refus de toute discrimination (dont celles basées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre) est affirmé ainsi que le refus de la peine de mort.

Evo Morales (élu le 18 décembre 2005) accepte que le mandat en cours entre dans le calcul des 2 mandats successifs et coupe ainsi court aux protestations de l’opposition qui l’accusait de vouloir se maintenir au pouvoir jusqu’en 2019.

Le référendum de ratification aura lieu le 25 janvier et seule une partie de l’opposition, celle liée aux secteurs les plus ultras de la région de Santa Cruz et du nord du pays devrait appeler à la rejeter. Les élections générales, parlementaires et président de la république, auront lieu d’ici fin décembre 2009.

Les Verts de Bolivie
Nous avons profité d’un accueil très efficace et très chaleureux des camarades du parti Verts qui existe depuis un an, symbiose réussie de militants politiques chevronnés aux parcours politiques variés et de jeunes très motivés, tous impliqués dans les questions sociales, environnementales, féministes mais aussi pour les droits des peuples originaires dont la majorité sont issus. Leur engagement dans le processus en cours est total, même s’ils gardent un oeil critique sur certains aspects. Je ne pouvais m’empêcher de penser au choc culturel que cela représenterait pour certains Verts français : pas vraiment le même milieu social, et ces camarades boliviens se feraient vite taxés de gauchistes par le parti Vert européen !

Martine Billard
 

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